Le curcuma est une plante herbacée cultivée et utilisée en cuisine et en médecine traditionnelle en Asie. Cette épice est connue pour ses vertus thérapeutiques, notamment grâce à sa contenance en curcuminoïdes. La molécule la plus active est la curcumine, qui est d’ailleurs responsable de la couleur jaune orangé du curcuma. Cette dernière a donc fait l’objet de plusieurs études, que ce soit pour ses propriétés anti-inflammatoires ou antioxydantes. Aujourd’hui, le curcuma est victime de son succès. En effet, de nombreux articles critiques à l’égard du curcuma ont terni son image en avançant des effets indésirables voire neurotoxiques pour l’organisme, ce qui a poussé les consommateurs à arrêter d’en utiliser, voire d’en acheter.  Cet article permettra alors de discerner quels sont les vrais risques du curcuma et sous quelle forme elle peut réellement être dangereuse pour la santé des consommateurs.

Cet article a été mis à jour le 28/11/2022

Le Curcuma est-il dangereux pour le foie ?

Dangers en cas de surdosage

Un ensemble d’études a suggéré que la curcumine n’est pas retrouvée spécifiquement dans un organe préférentiel. Elle est métabolisée au niveau du foie, c’est-à-dire qu’elle est transformée pour être assimilée et utilisée par différents organes, puis est éliminée par les urines. Cependant c’est une molécule qui est hydrophobe, c’est-à-dire insoluble dans l’eau, et qui met du temps à être absorbée par l’organisme. Dès lors, plusieurs compléments alimentaires ont été mis sur le marché, contenant de la curcumine « optimisée », c’est-à-dire dont on a amélioré la biodisponibilité pour une meilleure assimilation. Il s’agit de :

  • complexe phytosomal : un complexe entre la curcumine + des phospholipides pour améliorer l’absorption.

  • forme micellaire : formulation qui permet d’envelopper la curcumine de minuscules molécules lipidiques (appelées micelles) pour améliorer l’absorption jusqu’à 185 fois mieux qu’un extrait naturel de curcuma.

  • nanoparticules colloïdales : formulation où les particules de curcumine sont réduites pour augmenter considérablement sa solubilité et sa biodisponibilité.

  • encapsulation par cyclodextrines : formulation qui permet de protéger les molécules fragiles (ici la curcumine) pour ensuite lui assurer une libération lente, et ainsi, une meilleure absorption dans l’organisme.

Cependant, ces nouvelles formulations ont été développées sans que les producteurs ne fournissent forcément les détails des données de biodisponibilité de leurs produits, voire ne précisent que rarement s’il s’agit d’une formulation classique ou nouvelle. Le curcuma a alors été sous le feu des projecteurs depuis plusieurs mois. En effet, le dispositif de nutrivigilance de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES) a récemment enregistré plus de 100 effets indésirables liés à la consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma ou de la curcumine. L’ANSES a dès lors publié les données pharmacocinétiques des sujets ayant utilisé ces compléments, et a recensé 15 hépatites avec des niveaux de sévérité allant de 1 à 3, dont un avec une menace du pronostic vital. Pour douze cas, les consommateurs présentaient des antécédents médicaux, notamment de nature hépatique dans trois cas. Pour huit cas, les compléments alimentaires consommés avaient une biodisponibilité améliorée pour la curcumine. De ce fait, il faudra être vigilant quant aux dosages ingérés des compléments alimentaires optimisés.

Effet hépatoprotecteur du curcuma

Ceci dit, ne diabolisons pas cette épice. Il faut savoir que la curcumine a longtemps fait ses preuves grâce à ses vertus thérapeutiques. Des études sont réalisées aujourd’hui sur des souris qui montrent qu’administrée à une dose raisonnable, la curcumine aurait un effet hépatoprotecteur dans un modèle de cirrhose du foie induite par le thioacétamide, un composé connu pour provoquer des lésions hépatiques. La curcumine améliorerait donc certains paramètres biochimiques grâce à son effet antioxydant. Bien que ces expériences aient été pratiquées sur des souris, il faut savoir que le métabolisme de ces dernières est semblable à celui de l’être humain, ce qui laisse présager l’efficacité de la curcumine sur l’activité hépatoprotectrice.

De ce fait, pour une consommation de curcumine sans risque pour la santé, notamment pour le foie, l’Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire (EFSA) a fixé une dose journalière admissible (DJA) à 180 mg/j de curcumine, pour un adulte de 60 kg. L’ANSES, quant à elle, a déterminé que la dose apportée par les compléments alimentaires à base de curcumine optimisée ne doit pas dépasser 153 mg/j de curcumine, pour un adulte de 60 kg. Notez bien que : 1 g de curcuma équivaut à 30 à 50 mg de curcumine ; 1 cuillère à café équivaut à environ 5 g de curcuma.

Le Curcuma est-il cancérigène ?

Le groupe d’experts sur les additifs alimentaires et les sources de nutriments a réévalué la sécurité de la curcumine (E100) après le Comité mixte FAO/OMS (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture/Organisation Mondiale de la Santé) d’experts des additifs alimentaires (JECFA). Le groupe d’expert a donc convenu avec la JECFA que la curcumine n’était pas cancérigène. Ils ont également conclu qu’elle n’était pas génotoxique.

Cependant, la curcumine aurait des effets négatifs sur les traitements du cancer. En effet, la combinaison de curcumine avec certaines chimiothérapies ne fait pas bon ménage. Il semblerait que cette dernière, dû à ses effets antioxydants, pourrait ralentir l’action de certains traitements anticancéreux, à savoir :

  • Les cyclophosphamides
  • Les épipodophyllotoxines
  • Les camptothécines

Il est aussi recommandé de ne pas utiliser le curcuma en association avec une hormonothérapie pour le cancer du sein. Par ailleurs, dans certains cas, la curcumine peut ne pas interagir avec certains traitements contre le cancer. De ce fait, il serait préférable d’avoir l’avis de son médecin traitant par rapport au type de traitement utilisé.

Par ailleurs, la curcumine est connue pour être un fort antioxydant car elle renferme des polyphénols et de la vitamine E. Ainsi, elle est considérée comme ayant un effet anticancéreux. En effet, plusieurs études ont montré que la curcumine inhibait la croissance tumorale ainsi que la capacité des cellules transformées à induire la formation de tumeurs. De plus, elle agit sur les effets incommodants que les traitements anticancéreux peuvent induire, notamment les réactions cutanées.

Existe-t-il des interactions médicamenteuses avec le Curcuma ?

Les vertus du curcuma ne sont plus un secret pour les chercheurs. En effet, cette épice dorée a su s’établir une solide réputation dans le monde scientifique grâce à ses nombreuses vertus. Elle a fait l'objet de plusieurs études scientifiques qui ont permis de mettre en évidence des propriétés thérapeutiques très intéressantes, à savoir : des effets anti-inflammatoires, antioxydants et anticancers, et est considérée comme un protecteur gastrique. Cependant, la curcumine, présente dans le rhizome, peut interagir avec certains médicaments, et de ce fait, augmenter l'action des principes actifs et entraîner des effets indésirables.

Ainsi, comme dans le cas des traitements anticancéreux cités ci-dessus, il est fortement déconseillé de consommer du curcuma ou de la curcumine avec :

  • des médicaments anticoagulantsantiplaquettaires : En effet, la curcumine a été décrite comme ayant un effet antiagrégant plaquettaire avec une intensité d’interaction forte avec les médicaments anticoagulants, elle peut déstabiliser le niveau de coagulation, pouvant ainsi provoquer une hémorragie chez les individus prenant ces médicaments.

  • des médicaments anti-inflammatoires : Étant donné ses vertus anti-inflammatoires sur l’organisme, il est déconseillé d’interagir la curcumine avec les médicaments anti-inflammatoires pour ne pas accroître l’effet des principes actifs et provoquer des effets indésirables, voire de surdosage.

  • des médicaments anti-diabétiques : La curcumine a des vertus contre le diabète, néanmoins, il est recommandé de ne pas en consommer en même temps des médicaments anti-diabétiques pour ne pas accroître leurs actions et risquer ainsi une hypoglycémie.

  • des médicaments cholérétiques et hépatotropes : la curcumine possède des propriétés cholérétiques, c’est-à-dire qu’elle stimule la sécrétion de la bile, et peut donc avoir une forte interaction avec des médicaments cholérétiques et hépatotropes. Aussi, elle est fortement déconseillée chez les personnes atteintes de calculs biliaires.

Il est recommandé de prendre conseil auprès de son médecin traitant.

Le Curcuma peut-il être utilisé par les femmes enceintes et allaitantes ?

Pendant la grossesse et l’allaitement, le curcuma peut être utilisé en cuisine pour donner un goût agréable et une belle couleur aux plats. Les doses recommandées sont entre une à deux cuillères à café maximum par jour. Utilisé donc à une dose raisonnable, le curcuma ne présente pas de risques chez la femme enceinte ou allaitante en bonne santé. Cependant, concernant celles atteintes de pathologies particulières, à savoir un diabète gestationnel, une pathologie liée à un soucis de coagulation sanguine, etc …, il est préférable de demander conseil auprès de son médecin traitant. Étant donné que le curcuma a des vertus contre le diabète, des effets antiagrégants plaquettaires, un fort pouvoir anti-inflammatoire et antioxydant, il est possible qu’il y ait un risque d’interaction avec certains médicaments. Par ailleurs, l’Agence Européenne du Médicament (EMA) préconise de ne pas consommer de compléments alimentaires à base de curcuma, ni pendant la grossesse, ni durant l’allaitement.

Le Curcuma peut-il provoquer une allergie ?

Tout le monde peut être concerné par des allergies aux plantes. L’INSERM estime que 25 à 30% de la population est concernée par une maladie allergique. Selon l’EFSA, il est assez rare de développer une réaction allergique au curcuma ou à la curcumine. Cependant, ce n’est pas impossible. En effet, la prévalence des allergies aux colorants alimentaires, ici la curcumine (E100), est faible, entre 0.03% et 0.15%. Chez l’enfant atopique, elle pourrait atteindre 2%Les individus présentant un terrain allergique doivent impérativement éviter de consommer du curcuma, et ce, sous toutes ses formes, à savoir : les racines fraîches ou séchées de curcuma, la poudre de curcuma, l’huile essentielle de curcuma et les compléments alimentaires à base de curcuma/curcumine.

Des produits industriels peuvent aussi contenir du curcuma ou de la curcumine. Le plus souvent, ils sont indiqués sous le nom de (E100) ou curcumine. On en retrouve dans :

  • Les épices contenant du curcuma (ex : Le curry : mélange de plusieurs épices contenant du curcuma)

  • Les plats préparés industrialisés et poissons panés/fumés

  • Les sauces, assaisonnements et bouillons de légumes/volaille/bœuf/poisson

  • Les moutardes (normales, en grains, au curry, sucrées)

  • Les biscuits apéritifs/ chips

  • Les fromages industriels, les yaourts aromatisés, les beurres et margarines

  • Les soupes et purées industrielles

  • Les crèmes glacées, les confitures et les confiseries (ex : bonbons et chewing-gums)

  • Les boissons (sodas, smoothies, jus…)

On peut aussi en retrouver dans des produits pharmaceutiques ou de beauté, indexés sous le nom de CI 75 300, notamment certains shampoings, savons, gels douche, crèmes hydratantes, boules de bain, mousses nettoyantes, bains de bouche et huiles (pour cheveux/ massage/ visage). Notez que ces listes ne sont pas exhaustives. Il suffira de lire les ingrédients des produits pour les repérer.

Les symptômes de l’allergie au curcuma peuvent se manifester sous différentes formes. Les principales sont des lésions cutanées comme l’urticaire ou l’eczéma, ou des formes respiratoires, particulièrement la rhinite ou l’asthme, voire, dans des cas plus rares, un choc anaphylactique. Parfois, elles peuvent se manifester au niveau gastro-intestinal, tel que les nausées, vomissements, diarrhée… En cas d’allergie au curcuma ou à la curcumine ou d’apparition d’un début de symptôme, il est conseillé de consulter un allergologue afin de réaliser un test de dépistage cutané et/ou un test sanguin pour détecter les immunoglobulines E (IgE) (anticorps impliqués dans la réaction immunitaire). Aussi, il sera très important de consulter un diététicien afin d’avoir un régime d’exclusion équilibré avec des aliments de substitution, et une liste des aliments à risque d’en contenir.

Attention à l’origine du curcuma

L’ANSES met en garde les consommateurs de curcuma aux falsifications de Curcuma Longa. En effet, plusieurs publications ont mentionné la présence de substituts à moindre coût, à savoir : le Curcuma Zedoaria ou curcuma aromatica Salisb. après avoir réalisé une analyse génétique (ADN) de la poudre de Curcuma Longa. En 2018, la Direction Générale de la concurrence, de la consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) a également rapporté une adultération avec le Curcuma xanthorrhiza Roxb. Ces substitutions n’ont pas de conséquences sur la sécurité aux doses utilisées en alimentation ou dans les compléments alimentaires. Cependant, en étudiant les échantillons par chromatographie, méthode permettant de séparer les différentes substances présentes dans un mélange, il a été observé que les substituts avaient le pouvoir de diluer la curcumine, et ainsi, de ne pas avoir les effets escomptés. Dans des cas plus dangereux, il a été constaté que la poudre de curcuma était susceptible d’être mélangée avec des produits moins onéreux, tels que le talc et la farine de manioc.

Des analyses ont été réalisées sur des échantillons de curcuma en vrac, de chili ou de curry provenant de marchés indiens. Les résultats ont relevé la présence de colorants de synthèse non autorisés pouvant porter atteinte à la santé des consommateurs, à savoir : le jaune de métanile (1.5 à 4.6 mg/g), le rouge Soudan I (4.8 à 12.1 mg/g) et le rouge Soudan IV (0.9 à 2 mg/g). Des études ont été réalisées chez les rats et ont démontré qu’à long terme, la consommation de jaune de métanile serait à l’origine de neurotoxicité, de carcinomes hépatiques, de leucémies lymphoïdes et d’effets délétères sur la mucine gastrique. De plus, ce colorant alimentaire n’a jamais été approuvé par le comité FAO / WHO de l’Administration des Aliments et des Médicaments (FDA).

De ce fait, notez qu’il est très important de se renseigner sur l’origine des compléments alimentaires ou des poudres de curcuma achetés. Il est tout aussi important d’avoir une idée sur les critères microbiologiques et de savoir si les présences de métaux lourds et de pesticides sont contrôlées et sont conformes.

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