Les Cranberries sont populaires dans le monde de la phytothérapie, comme ingrédient pour la sphère urinaire. Fondé sur des pratiques traditionnelles, on prête aux Cranberries divers bienfaits pour certains troubles urinaires : infections urinaires, insuffisances urinaires, calculs rénaux, etc. De nouvelles recherches ont permis de distinguer des composés bioactifs dans les Cranberries, absents ou peu présents dans les autres fruits. Ces derniers pourraient expliquer certaines propriétés que l’on prête aux Cranberries. Néanmoins, malgré les pratiques, certaines preuves scientifiques manquent. Par exemple, on s’est rendu compte que le jus de Cranberry était moins efficace qu’on le pensait contre les infections urinaires. Les rapports scientifiques sur ce sujet ne manquent pas. L’objectif de cet article est d’éclairer sur les actuelles connaissances des propriétés des Cranberries sur la sphère urinaire.

Cet article a été mis à jour le 06/01/2024

Pas d’effet diurétique

De nombreuses plantes sont reconnues pour leur effet diurétique, c'est-à-dire "qui augmente la production d'urine par les reins". Certaines ont même montré leur efficacité lors d’études, comme le pissenlit, la prêle des champs, les feuilles d’orties ou encore l’orthosiphon. Pour ce qui est des Cranberries, son usage comme plante diurétique ne repose que sur la tradition. À ce jour, aucune étude clinique n’a démontré son efficacité chez l’animal ou chez l’Homme.

Un effet des Cranberries sur le volume de sécrétion urinaire n’a été rapporté qu’une seule fois, en tant qu'effet indésirable, lors d’une étude clinique. Pour le bien de cette étude, 65 femmes ont consommé 1200 mL de « jus de Cranberries séchées » par jour. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’influence des marqueurs biologiques après une supplémentation. Une femme s’est retirée de l’étude pour miction excessive. D’ailleurs, il est plus probable que la quantité de jus à consommer par jour ait entrainé son désistement, plutôt qu’un potentiel effet diurétique des Cranberries.

En prévention d’infection urinaire

Sans aucun doute, la principale indication des Cranberries est pour les infections urinairesLes Cranberries sont sources de composés phénoliques tels que les proanthocyanidines de type A (PAC). Ces derniers sont le produit de la condensation de flavan-3-ols. En moyenne, les études estiment qu’un gramme de Cranberries fraiches renferment 70 à 330 µg de PAC. La concentration en PAC varie en fonction des cultivars, de la localisation, de la saison, du processus de fabrication, etc. Les Cranberries proposent d’autres phytonutriments, tels que la quercétine, les catéchines, l'acide benzoïque, etc. Mais, l’activité des Cranberries sur les infections urinaires serait seulement due à la présence des proanthocyanidines de type A.

De nombreuses recherches scientifiques observent que les PAC inhibent la fixation d’Escherichia coli sur l’épithélium de la vessie. Les Cranberries agiraient donc en prévention des infections urinaires.

Toutefois, l’efficacité des Cranberries sur les infections est remis en question, puisque plusieurs questions restent en suspens : l’absorption intestinale des polyphénols seraient variables selon les individus, on ne connait pas la dose pharmacologiquement active chez l’homme, il y a un manque d’étude expérimentale sur l’Homme pour confirmer les doses in vitro

En raison de ces doutes, les instances de santé préfèrent émettre des réserves sur l’efficacité des Cranberries en cas d’infection urinaire. Par exemple, l’ANSES admet que les PAC sont efficaces pour inhiber l’adhésion de bactéries responsables d’infections urinaires (E.Coli), mais indique que les données cliniques sont insuffisantes pour alléguer aux Cranberries une telle vertu.

En somme, les Cranberries pourraient réduire les risques de développer une infection urinaire, surtout si les infections sont récurrentes. Mais, on connait mal leur efficacité, il est donc nécessaire de poursuivre les pratiques de prévention indiquée par un professionnel de santé. Également, les Cranberries sont inefficaces si l’infection est déjà présente.

Qu’en est-il des calculs rénaux ?

Des avis mitigés

Les avis sur les effets des Cranberries sur les calculs rénaux (ou lithiases urinaires) sont contradictoires. Certains affirment que la consommation de Cranberries réduit les risques de formation de calculs rénaux. D’autres assurent l’inverse, les Cranberries seraient contre-indiquées en cas d’antécédent de lithiase urinaire, comme elles augmenteraient les risques de formation de nouveaux calculs. 

Les avis contre l’utilisation des Cranberries pour les calculs rénaux

Les arguments justifiant l’évitement des Cranberries en cas d’antécédent de lithiase urinaire repose sur l’acide oxalique dans les Cranberries. L’acide oxalique est un composé naturellement produit par les végétaux pour se défendre. On en retrouve dans de nombreux aliments, comme le cacao, le thé, les épinards, les betteraves, etc. Combiné à du calcium, l’acide oxalique forme l’oxalate de calcium. Ce cristal insoluble fait partie des types de calculs qu’il est possible de former, on parle de calculs rénaux d’oxalate.

Une étude clinique avec 24 sujets (dont la moitié ayant des antécédents de calculs urinaires) a cherché à évaluer les risques de calculs urinaires lorsque ces derniers buvaient 1 L de jus de Cranberries par jour pendant 7 jours. À la fin des 7 jours, la saturation urinaire en calcium urinaire et en oxalate urinaire a significativement augmenté.  L’étude conclut que le jus de Cranberries augmente les risques de calculs d’oxalate de calcium (et d’acide urique). En 2011, l’ANSES également ne recommandait pas la consommation à long terme de Cranberries chez les individus sujets aux calculs rénaux d’oxalate.

Les avis pour l’utilisation des Cranberries pour les calculs rénaux

Bien que la concentration en acide oxalique dans les Cranberries soit une raison avérée pour amplifier les risques de calculs urinaires, d’autres recherches observent que les Cranberries réduiraient les risques de calculs rénaux. Par exemple, une étude conclut que le jus de Cranberries possède des propriétés antilithogènes, et qu’elles peuvent être considérées dans des protocoles thérapeutiques dans la prise en charge des lithiases urinaires à l’oxalate de calcium. Pour affirmer cela, les chercheurs ont analysé les urines de 20 hommes, sans antécédents de calculs rénaux qui avaient bu 500 mL de jus de Cranberries par jour, pendant deux semaines.

Selon cette dernière, les Cranberries auraient diminué de manière significative l’excrétion d’oxalate, de phosphate et la sursaturation relative en oxalate de calcium tout en augmentant la sécrétion de citrate. Ces modifications sont des indicateurs de risque de calculs urinaires.

Les possibles raisons de ces contradictions

Afin de démêler le vrai du faux, une méta-analyse (étude de plusieurs recherches scientifiques) a recherché les effets des Cranberries sur la sphère urinaire. Un paragraphe dédié aux calculs urinaires permet de comprendre pourquoi les résultats ne sont pas identiques. Il semblerait que les patients ayant des antécédents de calculs urinaires à type oxalate de calcium soit plus sensibles aux apports en acide oxalique. Ainsi, lorsque la consommation d’acide oxalique augmente, via les Cranberries par exemple, la saturation urinaire d’oxalate de calcium augmente également (de 18 %). En revanche, le jus de Cranberries abaisse le pH urinaire (en augmentant la sécrétion d’acide oxalique) ce qui pourrait être utile pour les calculs d’Apatite, de Bursite et de Struvite (d’autres types de calculs urinaires).

 

En résumé, l’influence des Cranberries sur la formation des calculs urinaires est encore confuse. Il semble qu’elles réduisent les risques de développer des calculs urinaires sauf pour les personnes avec des antécédents de calculs rénaux. Ces derniers doivent éviter de consommer des Cranberries fraiches, séchées, en jus ou en supplément.

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