Que ce soit en pharmacie ou sur internet, vous pouvez acheter des huiles essentielles dans un petit carton. La question nous est souvent posée : est-ce un avantage en termes de qualité, et notamment au regard de l'oxydation des huiles essentielles ? La réponse est négative. Ce carton est très utile aux marques pour des questions logistiques (limite la casse durant le transport), marketing (le produit se voit mieux en rayon) et réglementaires (cela laisse plus de place pour y disposer des informations). L'impact sur la qualité est cependant quasi-nul, sauf si le flacon d'huiles essentielles est transparent. On vous explique ici pourquoi.

Comment les huiles essentielles s'oxydent-elles ?

Avant tout, ne pas confondre avec les huiles végétales : les huiles essentielles sont beaucoup moins sensibles à l'oxydation que les huiles végétales. Vous avez certainement constaté que les DDMs de vos huiles végétales sont assez courtes, et qu'au-delà elles ont tendance à rancir. Les acides gras qui les composent sont en effet très sensibles à l'oxydation, et l'analyse de cette oxydation est un enjeu crucial de la gestion de la qualité des huiles végétales. Pour les huiles essentielles, la question de l'oxydation est beaucoup moins présente (elle ne concerne que certaines molécules). Cela reste néanmoins un enjeu pour la bonne conservation sur le long terme des huiles essentielles.

Qu'est-ce qu'une réaction d'oxydation ? Une réaction d'oxydation se résume ainsi : Molécule "sensible" + O2 → Peroxyde

  • Les molécules sensibles à l'oxydation sont la plupart des molécules insaturées (contenant une double-liaison) telle que le limonène ou l’α-pinène.
  • O2 = Dioxygène de l’air (présent autour du flacon, mais aussi à l’intérieur).
  • Peroxyde = Famille de composés à la fois très réactifs et sensibilisants (ils transmettent facilement leur état d’oxydation et induisent une hypersensibilité par exposition répétée).

En pratique, les molécules les plus sensibles des huiles essentielles « absorbent » l’oxygène de l’air pour se transformer lentement en peroxydes.

Comment lutter contre cette oxydation ?

Comme toute réaction, l'oxydation a besoin d’une énergie suffisante pour avoir lieu, via la chaleur (énergie thermique), ou via les photons (énergie lumineuse). Sans cet apport d'énergie, la réaction ne peut avoir lieu. Il y a donc 3 manières de réduire fortement l'oxydation d'une huile essentielle :

  • Réduire au maximum la présence d'O2 dans le flacon, et donc la présence d'un réactif essentiel à la réaction : c'est entre autre pour cela que l'immense majorité des huiles essentielles sont vendues dans du verre, dont la perméabilité est très faible.
  • Limiter l'apport d'énergie thermique en protégeant de la chaleur le flacon. Pour vous donner un ordre d'idée, lorsque la température augmente de 10°C, la grande majorité des réactions chimiques voient leur vitesse multipliée par un facteur 2 à 3. Une huile essentielle stockée à 20°C vs une huile essentielle stockée à 30°C restera stable 2 fois plus longtemps.
  • Limiter l'apport d'énergie lumineuse en protégeant l'huile essentielle de la lumière. Ici une précision s'impose : tous les photons du spectre lumineux n’apportent pas la même énergie (et donc la même puissance à la réaction). Les plus problématiques sont ceux se situant aux faibles longueurs d’onde (< 450 nm) : les ultraviolets, le violet et le bleu. Il faut donc prévoir un packaging qui « filtre » ce type de rayons lumineux.

Le carton est-il donc utile ?

Concernant les 2 premiers points (protéger du dioxygène et de la chaleur), la réponse est évidente : non le carton n'y change rien.

Le carton a-t-il une utilité cependant pour protéger de la lumière ? Vous avez probablement remarqué que l'immense majorité des liquides pharmaceutiques (dont les huiles essentielles) sont conditionnés dans des flacons de verre ambrés. Ce n'est pas pour leur beauté intrinsèque, vous vous en doutez. Il s'avère que cette couleur de flacon est spécifiquement étudiée pour absorber le spectre lumineux le plus énergétique, dont nous avons parlé ci-dessus.

La couleur du flacon non opaque éclairé par la lumière du jour témoigne des rayons qu’il filtre, c'est-à-dire des rayons qu'il ne va pas laisser rentrer dans le flacon.

L’œil ne voit que 3 couleurs (le rouge, le vert et le bleu), et 3 couleurs suffisent pour créer toutes les teintes de pigments possibles (le cyan, le jaune et le magenta) via ce qu'on appelle la synthèse trichromatique soustractive. Ce terme de « soustractif » vient du fait que mélanger deux pigments ne permet de diffuser que la couleur « permise » par les deux pigments en même temps. Chaque pigment va donc supprimer une part supplémentaire de la lumière.

Ci-dessous est proposé le mélange de trois taches de peinture de ces couleurs primaires, faisant apparaître d’autres couleurs par mélange soustractif :


  • Si un flacon non opaque vous apparait bleu, alors le contenu de ce flacon éclairé par une lumière blanche ne recevra que de la lumière bleue.
  • Si un flacon non opaque vous apparait jaune, alors le contenu de ce flacon ne recevra que la lumière verte et rouge.
  • Si un flacon non opaque vous apparait brun (mélange de 2/3 rouge et 1/3 vert), alors le contenu de ce flacon ne recevra que de la lumière majoritairement rouge, ainsi qu'un peu de vert.

Bien entendu, plus le flacon est opaque, plus la quantité de rayonnement reçue est faible, toutes longueurs d'ondes confondues.

Un flacon ambré antiactinique comme ceux utilisés pour les huiles essentielles filtre totalement les longueurs d’ondes dangereuses situées dans le bleu et l’UV, en très grande partie celles du vert, et même une bonne partie du rayonnement rouge via son opacité.

  • C'est pour cette raison que les packagings de liquide pharmaceutique sont tous de cette couleur ;
  • C'est pour cette raison que la norme AFNOR T75001 définissant le packaging à utiliser pour vendre des huiles essentielles en pharmacie mentionne l'utilisation de ce type de flacons, mais ne préconise absolument pas l'usage d'un carton de suremballage.
  • C'est pour cette raison que nous pouvons conclure à l'inutilité de rajouter un carton autour, en plus de ce flacon.

Le choix de la Compagnie des Sens

La Compagnie des Sens a donc choisi pour ses huiles essentielles un flacon de verre ambré avec une fermeture étanche, sans suremballage dont la protection serait redondante. Nous veillons surtout à conditionner des huiles essentielles les plus fraiches possibles :

  • en vérifiant l’absence de composés peroxydes sur la chromatographie,
  • en les stockant au frais,
  • et en mesurant l’indice de peroxyde des références les plus sensibles selon notre plan de contrôle.
En effet, le meilleur des packagings « anti-oxydant » ne servirait à rien si l’huile essentielle était déjà oxydée à la base ! Demandez bien à votre fabricant de vous offrir une vraie traçabilité pour que vous puissiez consulter les analyses de l'huile que vous utilisez.

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À propos de ces conseils

Cet article d'aromathérapie a été rédigé par Théophane de la Charie, auteur du livre "Se soigner par les huiles essentielles", accompagné d'une équipe pluridisciplinaire composée de pharmaciens, de biochimistes et d'agronomes. 

La Compagnie des Sens et ses équipes n'encouragent pas l'automédication. Les informations et conseils délivrés sont issus d'une base bibliographique de référence (ouvrages, publications scientifiques, etc.). Ils sont donnés à titre informatif, ou pour proposer des pistes de réflexion : ils ne doivent en aucun cas se substituer à un diagnostic, une consultation ou un suivi médical, et ne peuvent engager la responsabilité de la Compagnie des Sens.