Le Millepertuis est une plante herbacée dont les propriétés thérapeutiques ont été largement étudiées. Traditionnellement utilisé pour soigner les brûlures superficielles, le Millepertuis est aujourd’hui reconnue comme la plante « anti-déprime » pour soigner les états dépressifs transitoires. Bien que possédant de nombreuses propriétés très intéressantes, c’est aussi une plante connue pour interagir avec un grand nombre de traitements médicamenteux dont les contraceptifs hormonaux tels que la pilule. Son composé actif, l’hyperforineactive le métabolisme enzymatique hépatique accélérant ainsi le processus d’élimination de certains médicaments et donc diminuant leur efficacité. Il est donc important de bien se renseigner sur cette plante et ses modes d’action avant utilisation afin de ne pas engendrer d’interactions néfastes.

Cet article a été mis à jour le 07/07/2023

Pas de risque prouvé avec le macérat huileux de Millepertuis

En application cutanée

Les interactions avec les contraceptions ou autres médicaments peuvent être exclues lorsque le macérat huileux de Millepertuis est utilisé par voie cutanée. D’une part, le macérat ne contient qu’une quantité très faible d’hyperforine, molécule responsable de l’activation du métabolisme hépatique accélérant le processus d’élimination des médicaments dans l’organisme (autour de 0,6 %). D’autre part, les études montrent que cette molécule ne se retrouve pas dans le sang après une application cutanée.

Attention toutefois car ce macérat huileux contient de l’hypericine qui est une molécule extrêmement photosensibilisante. Il ne faut donc pas s’exposer au soleil dans les 12 heures après application du macérat huileux sur la peau. De plus, le Millepertuis est aussi déconseillé aux personnes allergiques aux Astéracées.

En ingestion ?

Aucune étude concernant l’interaction entre le macérat huileux de Millepertuis en ingestion et les contraceptions n’est disponible. En effet, il n’existe aucune application traditionnelle en ingestion du macérat huileux. Cette voie thérapeutique ne semble pas présenter d’intérêt thérapeutique et n’est donc pas recommandée pour ces raisons.

Interactions avérées entre les sommités fleuries et la pilule contraceptive

Selon les études cliniques, la consommation d’extraits de sommités fleuries de Millepertuis réduirait l’efficacité des contraceptions hormonales. Lors des études, 300 mg de poudre de fleurs de Millepertuis sont administrés 3 fois par jour pendant 8 semaines à des femmes sous pilule depuis minimum 3 mois. Des saignements anormaux et irréguliers ont été observés et plusieurs cas de grossesses involontaires ont aussi été rapportés.

Ce phénomène est dû à l’activation du métabolisme hépatique, accélérant le processus d’élimination de nombreuses substances telles que les médicaments. Ceci serait dû à l’hyperforine, une des molécules majoritaires de la fleur de Millepertuis. Cette dernière augmenterait la transcription des enzymes CYP3A4 en se liant au pregnane X receptor (protéine associée à l’expression des gènes impliqués dans les phénomènes de détoxification cellulaire). L’enzyme CYP3A4 est l’une des enzymes les plus importantes entrant en jeu dans le métabolisme xénobiotiques (substances présentes dans un organisme vivant mais qui lui sont étrangères). On la retrouve principalement au niveau du foie. Ce processus a pour effet de réduire la durée de demi-vie des hormones des contraceptions (progestatifs), car elles sont plus vite métabolisées et plus vites éliminées. Ainsi, l’efficacité des pilules contraceptives diminue, le taux d’hormones n’est plus suffisant pour inhiber l’ovulation.

Les contre-indications formelles entre la plante de Millepertuis et les contraceptions hormonales ne semblent pas encore pouvoir être standardisées. Actuellement, elles sont classées comme « interactions modérées » dans les publications scientifiques. Plus d’études cliniques sont attendues. Néanmoins, au vu des risques que cela peut engendrer, il semble prudent de ne pas consommer d’extrait de Millepertuis issu des sommités fleuries en même temps qu’un traitement contraceptif.

Qu’en est-il des autres formes de contraception ?

De manière générale, le Millepertuis interagit avec les hormones de synthèse retrouvées dans l’organisme via les traitements contraceptifs. Ainsi, tous les types de contraceptions hormonales sont impactés par cette plante. Parmi eux, on retrouve : les implants, les patchs cutanés, les anneaux vaginaux, les injections contraceptives et les stérilets hormonaux.

Toutes ces contraceptions permettent de bloquer l’ovulation grâce aux hormones qu’elles contiennent (molécules progestatives et/ou œstrogènes de synthèse). Ainsi, l’augmentation de l’activité du CYP3A4 induite par le Millepertuis diminue la biodisponibilité des principes actifs des contraceptions, conduisant ainsi à un risque d’ovulation. Les contraceptions ne sont plus autant efficaces, le risque de grossesse est augmenté, et des saignements irréguliers peuvent survenir.

À l’inverse, les contraceptions non hormonales ne semblent pas être impactées. C’est le cas du stérilet en cuivre ou encore des capes cervicales et des diaphragmes.

Les autres interactions médicamenteuses

L’hyperforine contenue dans les fleurs de Millepertuis interagit avec un très grand nombre de médicaments, et pas seulement la pilule contraceptive, limitant ainsi son usage par voie orale. De manière générale, les interactions médicamenteuses sont régies par deux grands types d’interaction :

  • Interactions pharmacocinétiques (modification du sort (absorption, distribution, élimination) d’un médicament dans l’organisme),
  • Interactions pharmacodynamiques (résultent de l’action d’une substance, ici le Millepertuis, qui modifie la réponse d’un autre médicament).

Le type d’interaction dépend de la nature du médicament. L’interaction entre le Millepertuis et les pilules contraceptives rentrent par exemple dans la famille des interactions pharmacocinétiques. Cette voie d’interaction concernent aussi : les immunosuppresseurs, les traitements contre le VIH, les traitements anticancéreux et les anticoagulants par voie orale. La plupart des interactions médicamenteuses avec le Millepertuis ne sont encore que suspectées. Plus d’études cliniques sont attendues afin de les avérer.

Les interactions pharmacodynamiques concernent elles les médicaments psychotropes (en particulier les antidépresseurs sérotoninergiques). Bien que peu d’études soient disponibles sur le sujet, le Millepertuis pourrait causer le syndrome sérotoninergique (accumulation de ce neurotransmetteur dans le cerveau). Des interactions avec les médicaments utilisés lors d’anesthésie ont aussi été reportées. Enfin, le Millepertuis est aussi déconseillé lors d’une photothérapie car il possède une forte phototoxicité en raison de sa teneur en hypericine (molécule très photosensibilisante).

Globalement, les traitements avec un index thérapeutique étroit, c’est-à-dire pour lesquels la dose efficace est très proche de la dose causant des effets indésirables, présentent un potentiel risque d’interaction avec les sommités fleuries du Millepertuis. Le Millepertuis, et notamment les extraits des sommités fleuries de la plante, est à utiliser avec beaucoup de précautions par voie orale. Contrairement à d’autres plantes, l’automédication ne semble pas judicieuse et il est fortement conseillé de consulter l’avis d’un médecin avant utilisation.

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