Nigella sativa, également appelé communément Cumin Noir, est une variété de plante qui a été très étudiée pour ses bienfaits aussi bien culinaires que thérapeutiques. Utilisée en tant qu’épice, son utilisation lui a valu de montrer certains bienfaits en médecine traditionnelle. D’abord utilisée contre les troubles digestifs, la Graine de Nigelle et ses composants comme l’huile ont ensuite été utilisées traditionnellement pour lutter contre bien d’autres maux, mais également contre le cancer. De nombreuses études ont été réalisées sur certains de ses composants et les résultats semblent très prometteurs. Le rôle antioxydant induit par son principe actif principal appelé thymoquinone semble effectivement avoir de nombreux bienfaits pour aider à prévenir du cancer, mais également pour accompagner les traitements anticancéreux chez les animaux et sur les cellules humaines. Seul bémol, trop peu d’études sont réalisées chez l’homme, ce qui ne permet pas de conclure sur les bienfaits et l’innocuité des composants de la Nigelle en cas de traitement anticancéreux chez l’humain. En raison du manque d’études et des mécanismes d’action encore flous à l’heure actuelle, une utilisation non contrôlée et excessive des composants de la Nigelle en cas de cancer pourrait induire des effets secondaires, voire interagir avec l’efficacité des traitements anticancéreux. L’utilisation des composants de la Nigelle en vue de produire de nouveaux traitements n’est donc pas encore acquise à l’heure actuelle. À l’inverse, il est acquis que la Nigelle ne sera jamais un traitement de soutien à part entière en cas de cancer.

Cet article a été mis à jour le 22/08/2023

Une utilisation traditionnelle

La Graine de Nigelle et ses composants sont utilisés depuis longtemps en médecine traditionnelle pour lutter contre presque tous les problèmes de santé. Le prophète Mahomet a d’ailleurs évoqué que la Nigella sativa pouvait « guérir de tout sauf de la mort ». Pour remettre dans le contexte, le genre Nigella appartient à la famille Ranunculaceae. Il est largement utilisé comme condiment dans les pays producteurs méditerranéens et asiatiques. Il a suscité une attention particulière en thérapeutique avec l'espèce Nigella sativa L. Depuis plus de 2000 ans, cette plante est employée comme remède naturel au Moyen-Orient et en Extrême-Orient, et plus particulièrement chez les musulmans influencés par la parole prophétique.

En plus des utilisations comme épice ou aromate, la Graine de Nigelle est aussi bien utilisée traditionnellement dans l'alimentation que comme « médicament ». En premier lieu, la plante est utilisée pour traiter les troubles broncho-pulmonaires et gastro-intestinaux. Grâce à cette utilisation, des propriétés bénéfiques sur le système gastro-entéro-hépatique sont revendiquées. Les graines, mélangées à une préparation à base de yaourt, se sont avérées être efficaces contre les nausées, les pertes d'appétit, les œdèmes et les maladies post-partum. En combinaison avec d'autres aliments, les graines de Nigelle étaient utilisées pour traiter l'obésité, l'asthme, et pour prévenir les calculs biliaires. La Graine de Nigelle est enfin utilisée pour soulager les troubles digestifs et hépatiques, et est indiquée dans les céphalées chroniques ainsi que les migraines.

Toutes ces utilisations ont amené les consommateurs à les utiliser aussi en cas de cancer, où leur innocuité semblait être un potentiel majeur pour limiter l’avancée de cette pathologie. De nombreux récits ont évoqué des propriétés presque exceptionnelles aux Graines de Nigelle du fait de leurs nombreuses indications. Pour accentuer ce mythe de santé intégrale, certains archéologues ont trouvé une fiole de Cumin Noir (Graine de Nigelle) dans le tombeau du Pharaon Toutânkhamon. Cette plante était effectivement considérée comme un produit miraculeux.

En prévention des cancers

Au même titre que les autres aliments riches en antioxydants, les Graines de Nigelle peuvent être utilisées pour lutter contre le stress oxydatif, et ainsi prévenir l’apparition d'un cancer. En effet, le stress oxydatif est un déséquilibre entre la production endogène de molécules oxydantes et les apports alimentaires en antioxydants. Ce déséquilibre entraîne une oxydation cellulaire allant de la membrane lipidique, puis aux protéines présentes dans le cytoplasme, pour finir jusqu’à l’ADN des cellules. Cela favorise l’apparition de maladies sur le long terme : cardiovasculaires, neurodégénératives et cancers. En rééquilibrant la balance entre les molécules oxydantes et antioxydantes, on limite l’oxydation cellulaire, et par conséquent les maladies qui en découlent comme le cancer.

Dans ce cadre, les Graines de Nigelle sont composées de nombreux antioxydants, dont leur principe actif nommé thymoquinone. Cette molécule est reconnue pour être très antioxydante et contribue ainsi, en plus des autres composants des Graines de Nigelle (alpha-hédérine, polyphénols), à lutter contre le stress oxydatif. Pour optimiser les effets de ces dernières, il est recommandé de les intégrer dans une alimentation riche en antioxydants. On les retrouve dans les épices (CurcumaCumin, curry, Clou de Girofle), dans les aromates (ThymLaurierRomarin), les oléagineux (AmandesNoix du BrésilNoix de PécanNoix de CajouCacahuètes…) ainsi que dans les fruits et légumes « de couleur » (leurs pigments colorés sont des antioxydants).

Pour prévenir et réduire les complications ?

Une revue indique que les Graines de Nigella sativa, son huile, ses extraits et certains de ses principes actifs (thymoquinone et alpha-hédérine), possèdent des activités remarquables contre une grande variété de cancers. En effet, leurs activités antioxydantes et anti-inflammatoires pourraient contribuer à la prévention et à la réduction des complications des néoplasmes (tumeurs cancéreuses). La revue conclut même qu’une utilisation et une modification appropriées de la thymoquinone et de l'alpha-hédérine pourraient conduire à des médicaments plus efficaces et plus sûrs pour le traitement des tumeurs néoplasiques. Par ailleurs, la revue estime que Nigella sativa et leurs composants pourraient être utilisés en combinaison des traitements chimiothérapeutiques déjà établis. Il faudrait pour cela réaliser des recherches supplémentaires pour étudier son mécanisme, puisque Nigella sativa s’attaquerait aux cellules cancéreuses tout en épargnant les cellules normales.

Pour l’instant, étant donné que les études ont été réalisées uniquement chez les animaux de laboratoire et sur des cellules humaines, la revue encourage les essais précliniques et cliniques pour le traitement du cancer sur les humains. L’utilisation de certains de ses composés comme la thymoquinone pourraient potentiellement y aboutir dans le futur, mais en aucun cas les Graines de Nigelle. Il reste donc primordial d’en discuter avec son cancérologue avant d’entamer une cure de Graines ou d’huile de Nigelle en cas de cancer, d’autant plus qu’ils ne seront jamais des aliments miracles contre cette pathologie.

Réduisent les effets secondaires des traitements anticancéreux ?

Protectrices des reins ?

La thymoquinone présente dans les Graines de Nigelle et l’huile de Nigelle aiderait à protéger les reins en cas de traitement anticancéreux grâce à ses propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Les reins sont des organes émonctoires essentiels à la filtration et à l’extraction des déchets de l’organisme. Ils sont donc vulnérables face aux effets toxiques des chimiothérapies et nécessitent d’être protégés. Dans cette optique, des études sur les humains ont montré que la thymoquinone jouait un rôle préventif et protecteur contre les lésions rénales. Elle lutterait effectivement contre la néphrotoxicité induite par différents facteurs comme les médicaments, les métaux lourds, les insecticides et certains produits chimiques.

On peut donc se poser la question sur le rôle protecteur de la thymoquinone et de Nigella sativa en cas de traitement par chimiothérapie, d’autant plus que certaines études suggèrent que l’utilisation d’huile de Nigelle pourrait lutter contre le stress oxydatif induit par la chimiothérapie. Toutefois, seuls les composants de Nigella sativa sont à étudier dans l’optique de produire de futurs traitements de soutien dans le futur, ce qui n’est pas le cas des Graines de Nigelle à part entière.

Contre la toxicité du foie ?

L’utilisation de gélules d’huile végétale de Nigelle a limité la toxicité du foie chez des enfants atteints de leucémie lymphoblastique aiguë (LLA) et traités par Méthotrexate. La LLA est la tumeur maligne la plus fréquente chez l'enfant, représentant environ un tiers de tous les cancers pédiatriques. L'ajout du Méthotrexate aux protocoles de traitement de la leucémie a été associé à une augmentation du taux de survie chez les enfants atteints de LLA. Toutefois, l'efficacité de cet agent est souvent limitée par sa toxicité sur le foie, qui peut être réduite par l'administration d'antioxydants. Dans cette optique, une étude a voulu étudier le rôle de l’huile de Nigelle dans la réduction de l’hépatotoxicité induite par le Méthotrexate chez 40 enfants atteints de LLA, et ce, sans que cette dernière réduise l’efficacité du traitement.

Les sujets ont pris, en plus du traitement par Méthotrexate, 80 mg d’huile de Nigelle / kg de poids de corps répartis quotidiennement en trois capsules pendant une semaine (groupe 2) contre placebo (groupe 3). Un groupe de 20 enfants en bonne santé a également été étudié pour recevoir des bilans sanguins (groupe 1) et pouvoir faire une comparaison. Le bilan sanguin réalisé était composé des taux de bilirubine sérique, d'alanine aminotransférase, d'aspartate aminotransférase, de phosphatase alcaline et de temps de prothrombine (PT).

La seule chose à retenir dans ce bilan sanguin compliqué est que les résultats n’ont montré aucune différence significative entre le groupe 2 et le groupe 3, et qu’il y avait une différence significative comparés au groupe contrôle (groupe 1). Cela suggère que l’efficacité du traitement était similaire malgré l’utilisation de l’huile de Nigelle. De ce fait, l’étude conclut que l'administration orale d'huile de Nigelle aux enfants leucémiques peut prévenir l'hépatotoxicité du Méthotrexate et améliorer la survie des patients atteints de LLA.

Il est vrai que ces résultats sont très prometteurs, mais ils sont également très spécifiques. En effet, l’étude conclut uniquement sur l’utilisation d’huile de Nigelle en cas de LLA et de traitement par Méthotrexate. Il n’est donc pas possible de conclure à l’heure actuelle sur les bienfaits et l’innocuité de l’huile de Nigelle sur chaque type de cancer, d’autant plus que chaque cancer est unique et nécessite un traitement adapté. En cas de LLA et de tout autre cancer, il reste prudent de demander l’avis d’un cancérologue avant d’entamer une cure d’huile ou de Graines de Nigelle.

Un risque d’interaction médicamenteuse ?

La thymoquinone présente dans les Graines et l’huile de Nigelle pourrait interagir avec certains traitements médicamenteux en cas de cancer. En effet, cette thymoquinone est métabolisée par le cytochrome CYP 2C9. Elle pourrait ainsi interagir avec certains traitements anticancéreux métabolisés par ce cytochrome par effet de compétition. Cela provoquerait potentiellement une augmentation des doses de ce dernier pour atteindre la même efficacité. Dans le pire des cas, elle pourrait diminuer son efficacité globale malgré l’augmentation des doses.

C’est la raison pour laquelle il est primordial de discuter avec son cancérologue avant d’entamer une cure de Graines ou d’huile de Nigelle. Ce dernier sera à même de savoir quel cytochrome métabolise le traitement anticancéreux mis en place, et jugera ainsi des risques quant à l’utilisation de la Nigelle. Les réputations selon lesquelles les Graines ou l’huile de Nigelle ne présentent aucun risque en cas de cancer seraient donc infondées.

Prudence et précautions

Malgré toutes les études menées sur des cellules humaines et chez les animaux, il n’est pas possible d’utiliser la Nigella sativa comme traitement anticancéreux, que ce soit à l’heure actuelle ou dans le futur. De plus, une consommation excessive d’huile de Nigelle peut entraîner des apports trop importants en acides gras saturés (notamment l’acide palmitique) et en omégas-6 (acide linoléique). L’excès d’acide palmitique peut effectivement provoquer un effet thrombotique, athérogène et hypercholestérolémiant à long terme. Ces facteurs peuvent favoriser des états inflammatoires favorisant l’apparition de cancer à long terme. Quant à l’excès d’omégas-6, il favorise un déséquilibre du rapport omégas-3 / omégas-6 qui favorise un terrain inflammatoire chronique, ainsi que les maladies dites « de civilisation » (allergies, asthme, diabète, maladies cardiovasculaires, cancer, etc.).

En outre, il est recommandé de rester vigilant car l’utilisation orale d’huile végétale de Nigelle peut provoquer certains dangers, tout comme les Graines de Nigelle. En effet, on y retrouve des teneurs assez imposantes en saponines et en alcaloïdes, dont des dosages sont à respecter pour éviter tout effet secondaire. C’est la raison pour laquelle il existe des doses journalières raisonnables concernant l’huile et les Graines de Nigelle. On recommande généralement de consommer à peu près 2 g par jour de Graines de Nigelle, ou encore 40 à 80 mg / kg par jour d’huile de Nigelle (2,5 à 5 g par jour pour un adulte de 60 kg). Enfin, il reste important de rappeler les potentiels risques d’interaction que peut avoir la thymoquinone avec les traitements anticancéreux.

Du fait des potentiels risques énoncés, prudence et vigilance restent de mise. Il faut effectivement comprendre que les Graines de Nigelle et leurs dérivés ne seront jamais un traitement médicamenteux efficace contre le cancer, et que leur utilisation en tant que soutien des traitements anticancéreux est à surveiller. Seuls certains composants de ces dernières pourraient servir à réaliser des traitements de soutien (thymoquinone, alpha hédérine), mais en aucun cas les Graines de Nigelle à elles seules. En effet, aucun aliment miracle n’existe.

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